A l’abri des regards, dans le vestiaire des femmes d’Auteuil, rencontre avec une sacrée drôle de dame, passionnée, humble, pleine d’émotion, et que tout le monde respecte pour son courage, sa volonté, et sa carrière !
Association des Jockeys : Quand vous prenez le départ, vous êtes un jockey ou une femme jockey ? A partir de quel moment, vous entrez dans une bulle de concentration et que pour vous, il n'y a plus aucune différence avec vos collègues ?
Nathalie Desoutter : Je suis une femme jockey ! Mais à partir du moment où je suis aux courses et que je me change, j’ai déjà oublié que j’étais une femme. La différence de genre ne compte plus du tout. Dans la profession, on est une bonne équipe. En obstacle, on est assez solidaire. Avant de me rendre au rond de présentation, je rejoins souvent mes collègues « hommes » dans leur vestiaire pour parler, et regarder les courses ensemble. En effet, dans mon vestiaire, même si j’ai de plus en plus de collègues féminines, je suis quand même très souvent seule. Donc … je me mélange, et je suis très bien acceptée. Ca fait 20 ans que je connais ce vestiaire, j’en ai vu grandir beaucoup d’entre eux … tous les 10 ans, les occupants changent … et moi je suis toujours là. (RIRES)
AJ : Vous exercez dans les deux disciplines, votre coeur balance t-il et de quel coté ?
ND : J’ai beaucoup monté en plat, ce qui m’a énormément apporté, que ce soit au niveau de la technique, du train de la course, de prendre des décisions, de bien me placer dans un parcours … Mais je suis bien sûr passionnée par l’obstacle, je suis tombée dedans toute petite, toute ma famille était des jockeys d’obstacle. J’aime dresser les chevaux sur les obstacles, j’aime le travail du matin. La plupart du temps, on monte des chevaux au pied levé, comme en plat. Mais c’est touchant de réussir avec un cheval qu’on s’est préparé et réglé soi-même.
AJ : Vos atouts par rapport à un homme ?Â
ND : Ce n’est pas trop à moi de donner mes qualités ou mes défauts … mais j’ai quand même un réel avantage par rapport à eux, je suis plus légère, donc je ne vais jamais au sauna. (RIRES) Je me dis que nous n’avons pas la même vie … Techniquement … il faut demander aux entraineurs qui me font monter. (SOURIRE) Je suis très volontaire et travailleuse. Les entraineurs savent me récompenser du travail que je fournis. En tant que jockey, je pense être plutôt calme, j’essaye de respecter un maximum ce que l’on me demande de faire, de ne pas inventer, de rester simple et d’écouter le cheval qui m’emmène.
AJ : Le sujet des femmes, et leur poids, est vraiment d'actualité depuis près d'un an … qu’en pensez vous ? Est ce que cela a changé beaucoup de chose pour vous ?Â
ND : En plat, je suis persuadée qu’il faut un manager pour avancer. Je pense que la décharge a beaucoup aidé les femmes. Moi personnellement, j’étais pas mal oubliée en obstacle, et l’arrivée de cet avantage de poids m’a donné un nouveau départ. Je ne peux qu’être ravie.
AJ : Quel est votre regard et opinion sur le métier à l'étranger ? La réussite des femmes à l'étranger ?Â
ND : Pour être honnête, je ne connais pas trop les différents fonctionnements à l’étranger. Mais je connais les femmes étrangères lorsqu’elles viennent monter en France pour les grandes réunions. Je n’ai monté qu’en Espagne. La position des femmes en Angleterre par exemple m’est inconnue, je ne l’ai pas vécu. J’aurai aimé monter une course outre manche, et pouvoir comparer. Je suis évidemment l’actualité, j’imagine que leurs contraintes et leurs difficultés sont les mêmes qu’en France, la décharge en moins … Par exemple, Haley Turner, qui a gagné de belles courses, vient tout de même tenter sa chance en France.
AJ : Combien de récompenses avez vous reçu ? Que cela représente t-il pour vous ?Â
ND : J’en ai déjà 5 … C’est simple … depuis que cette récompense a été créée, je l’ai reçue tous les ans, hormis en 2016. (SOURIRE) Je trouve que c’est vraiment gratifiant, cela met les femmes en valeur. Cela nous permet de recevoir un prix lors de cette belle soirée qui récompense toute la profession. Sans cette mise en avant, on serait dans l’ombre, nous les femmes. Je t’avoue que cette année, ce trophée a une réelle saveur particulière.
AJ : Ce trophée est il un graal ou préfères tu remporter une belle course ?
ND : Cette récompense est très belle, mais j’avoue que pour moi chaque chose est une chose différente. Mon rêve de jockey est de gagner un Groupe I, et tant que j’aurai ma licence j’en rêverai. Je m’accorde ce droit car un rêve, on sait pourquoi s’en est un … je croise les doigts on ne sait jamais … Je n’ai pas de course qui me fait envie particulièrement, j’accepterai n’importe quel Groupe I. Car pour gagner ce type de course, il faut un cheval exceptionnel, c’est un aboutissement, c’est LE truc au dessus des autres.
AJ : Quel est votre prochain objectif ?
ND : C’est de continuer à vivre ce que je vis et de tomber sur un bon cheval ! J’ai eu la chance d’en rencontrer plusieurs, mais je pense à QUAROUSO (Jean Paul Gallorini – Zingaro), un cheval de cœur auquel je me suis beaucoup attachée. On a gagné le Prix Clermont - Tonnerre et deux fois le Prix Georges Courtois. Il avait une belle tête expressive. Il a mérité sa retraite.
AJ : Le mot de la fin ?
ND : Je voulais dire un mot à Delphine (Santiago) avec qui je partage la scène ce soir. C’est quelqu’un que … j’admire. Car pour en être arrivée là, s’être accrochée comme elle a fait, avoir duré toutes ces années, elle a pris des coups aussi, elle en veut ! Même si elle a beaucoup de caractère, elle a une vraie personnalité, c’est un très bon exemple, j’ai toujours eu beaucoup d’estime pour elle professionnellement.
Propos recueillis et © par Carole Desmetz Consulting