Trêve (Motivator) n’a pas seulement remporté le 92e Prix de l’Arc de Triomphe avec cinq longueurs d’avance. Elle s’est imposée comme la meilleure pouliche gagnante de l'“Arc” de tous les temps.
Pourquoi ? Son parcours nous donne la réponse. Piégée par son numéro de corde à l’extérieur (le 15), Trêve ne peut pas se rabattre et est contrainte, tout le parcours, de voyager à l’extérieur, plutôt en fin de peloton. Le train est peu sou- tenu : elle donne des coups de tête et gaspille de l’influx. Thierry Jarnet essaie de la cacher ? Impossible : Al Kazeem la bouscule deux fois. Alors il lui faut avancer... mais en qua- trième épaisseur. On dit que la fausse ligne droite de Long- champ est un tombeau ? C’est le moment où elle choisit de produire un premier effort. Donc, à l’entrée de la ligne droite, elle a déjà consommé une énergie considérable pour
s’approcher de la tête, toujours en troisième épaisseur ! Et malgré cela, en dépit de tous ces malheurs qui auraient dis- qualifié n’importe quel cheval, surtout dans un Gr1, Trêve réaccélère à quatre cents mètres du poteau, clouant ses ad- versaires sur place. Plus fort : une fois seule en tête, elle accentue encore son avance sur Orfèvre et Intello lancés à sa poursuite. Bref, avec un parcours normal, comme elle les affectionne, bien cachée à la corde, de combien de lon- gueurs aurait-elle gagné ? Six, huit, dix... ?
Si vous avez trois minutes devant vous, revisionnez le film de la course. Ce que Trêve a fait dimanche est ab- solument hallucinant. La marque d’une immense cham- pionne. À l’égal d’une Allez France dans l'“Arc” 1974, ou d’une Zarkava dans le Prix Vermeille 2008 (en prélude à son triomphe dans l'“Arc” 2008).
le Film de la coursee
La course n’est pas partie très vite, sous l’impulsion de Joshua tree (Montjeu), qui a emmené le peloton devant Penglai Pavilion (Monsun), Ocovango K (Monsun), Going somewhere (Sulamani), intello K (Galileo) et Very nice name (Whipper). flintshire (Dansili) venait ensuite, précédant Méandre (Slickly) et Ruler of the World (Galileo). La seconde moitié du peloton était composée notamment d’Orfèvre (Stay Gold), trêve (Motivator), Kizuna (Deep Impact), saha- war (Dark Angel) et Haya Landa (Lando). Dans la montée, Trêve a été contrariée par Al Kazeem (Dubawi). Dans la descente, après avoir déjà beaucoup tiré, Trêve a continué son voyage, le nez au vent. Et dans la fausse ligne droite, Trêve a entamé son rapproché avec une grande aisance, toujours en dehors. Dès que son pilote, Thierry Jarnet, a appuyé sur l’accélérateur, Trêve s’est détachée aisément pour remporter l'“Arc” par cinq longueurs, comme les plus grands cham- pions. Orfèvre a tiré dans les mille derniers mètres et n’a pu que continuer dans son action, sans produire le même chan- gement de vitesse que l’an passé. Il a conservé la deuxième place devant Intello, qui a bien prolongé son effort dans la ligne droite. Kizuna a fait sa valeur et le même effort que dans le Qatar Prix Niel (Gr2), finissant quatrième, précédant Penglai Pavilion, tenace.
Christianene HEAD-MAAREK : "rendez-vous dans l'“Arc” 2014 !"
Trente-quatre ans après three troikas ("Arc" 1979), Christiane Head-Maarek a gagné le deuxième "Arc" de sa carrière. À chaud, elle a déclaré : « Cela a été une course épouvantable et elle gagne tout de même avec une grande classe ! Elle est extraordinaire ! C'est une grande championne ! Lorsqu'elle a filé dans la fausse ligne droite, elle était au-dessus des au- tres. C'est formidable ! Je n'arrive même plus à parler... »
Une fois la pression retombée, en conférence de presse, elle a raconté : « La course s'est mal passée, mais c'est ainsi. Trêve était nez au vent une grande partie du parcours, mais elle n'a pas tiré. Et quand Thierry [Jarnet, son jockey, ndlc] lui a demandé d'avancer, j'ai compris que Trêve allait gagner. Maintenant, je pense qu'elle a mé- rité d'aller se reposer. Je ne suis vraiment pas pour la courir au Breeders' Cup. Mais si le Cheikh Joaan veut la recourir cette année, je suis plutôt partante pour aller à Hongkong. Moi, je vais lui proposer d'arrêter la saison là et de garder Trêve à l'entraînement l'an prochain. Mon idée est, au- jourd'hui, de vous donner rendez-vous pour l'“Arc” 2014 ! » Quatre fois vainqueur de l'“Arc” durant sa carrière d'entraî- neur – dont le premier en 1952, ce qui suppose qu'il a vu
au moins 61 "Arcs" dans sa vie – Alec Head, ému aux larmes après le passage du poteau, a ajouté : « J'ai vraiment été époustouflé par Trêve. Elle a repris sa saison 2013 tardive- ment, car elle a connu quelques ennuis de santé. J'ai en- traîné plusieurs bonnes juments [dont les gagnantes d'“Arc” Ivanjica et Gold River, ndlr], mais Trêve, c'est vraiment autre chose. J'espère vivement qu'elle va revenir l'an prochain dé- fendre son titre. »
Thierry JARNETT : « Je vis avec les chevaux 24H/24 »
Mercredi, on apprenait que Frankie Dettori se fractu- rait la cheville suite à une chute à Nottingham. Thierry Jarnet, associé à Trêve depuis ses débuts et jusqu’au Qatar Prix Vermeille, a alors récupéré la monte de la pouliche. À 46 ans, après quatre Cravaches d’or et deux succès dans l’“Arc”, avec subotica, en 1992, et carnegie, en 1994, Thierry Jarnet remporte donc son troisième championnat du monde des pur-sang. « On ne se lasse jamais de ses victoires, a-t-il com- menté. J’ai eu la chance d’être associé à Trêve suite à la blessure de Frankie. C’est la face sombre des courses, mais il y a aussi de bons moments, comme ceux que je vis aujourd’hui. C’est magique, et c’est la plus grande championne que j’aie montée ! » Revenant sur sa carrière et les succès qui l'ont émaillée alors qu’il était au service d’André Fabre, il a expliqué : « Avec les années, j’ai acquis plus de sérénité et d’expérience. Donc bien sûr, je vis cette victoire différemment que mes autres "Arcs". Si je continue de monter, c’est parce que je vibre toujours autant pour ce genre de courses. Je suis content d’être toujours aussi compétitif à mon âge. La retraite, je n’y pense pas. J’ai besoin des courses. Je vis avec les chevaux vingt-quatre heures sur vingt-quatre, je prends du plaisir avec eux le matin, l’après-midi et le soir. » Suite à cette déclaration de Thierry Jarnet, Criquette Head-Maarek s’est exclamée : « Je ne veux pas que tu arrêtes, j’ai la sœur de Trêve à l’entraînement, et je veux que tu la montes ! » (source JDG)