Ce jeudi 27 octobre, après avoir, dans les jours précédents, ajouté trois victoires à son palmarès, riche déjà de plus de 240, elle s’est présentée au départ du quinté marseillais avec un écart « 0 ». En selle sur Short Stack, elle a signé le 8ème « événement" de sa carrière, record "féminin", Brigitte Renk en étant à 6 . Quand on se penche sur sa carte de visite, on est aussi étonné qu’admiratif. La « gamine » de Castres peut se prévaloir de quelques titres que lui envieraient beaucoup de ses confrères masculins. Pourtant, à 32 ans, Delphine Santiago souffre toujours. Mais pas assez pour l’empêcher d’assouvir sa passion…
D’où vous est venue cette attirance, pour les chevaux ?
Petite, j’adorais les balades, avec eux. Je dis bien « balades », pas « poney-club ». J’ai vite désiré exercer un métier auprès d’eux.
La suite ?
J’ai poursuivi dans le concours, j’ai obtenu le Galop 6, mais je ne voulais surtout pas devenir monitrice.
Pourquoi ?
Je voulais être en selle toute la journée.
Alors ?
Je suis tombée sur un prospectus, qui vantait les mérites de la formule « sport-études » et de l’école AFASEC de Mont-de-Marsan. Ma mère a eu peur que cela ne coûte trop cher, mais nous nous sommes renseignées. A l’époque, ce devait tourner entre 1.000 et 1.500 francs par mois, l’employeur payant aussi une partie. Du coup, ma mère m’a dit OK. J’avais 14 ans.
Pas trop dur ?
Pas du tout. Jean Guillemin a été mon maître d’apprentissage, mais c’est surtout son fils, Didier, qui m’a tout appris, avec aussi, plus tard, Daouda Ka. C’est bien simple, je ne rentrais pas chez moi. Les jeudis, dimanches, et autres jours de congé, je les passais à l’écurie, avec une copine, Caroline, aussi mordue que moi. Il y avait toujours un truc à faire, à apprendre. Curer les boxes ne m’a jamais rebutée, au contraire. Le matin, il fallait être dans la cour à 5 heures, en principe. J’y arrivais à 4. Le soir, c’était feu vert à partir de 18 heures. Nous restions jusqu’à 19 heures 30.
Pourquoi ?
Parce qu’il fallait donner le foin, l’avoine, changer la paille et que si nous partions à 18 heures, nous n’avions pas le temps de brosser, caresser, bichonner nos chevaux…
La compétition ?
J’ai débuté à 16 ans, comme tout le monde, ou presque. J’ai dû enregistrer 2 gagnants, la première année, 7, la deuxième. En 1995, j’étais « le » meilleur apprenti du Sud Ouest, comme en 1996. En 1997, j’ai décroché l’Etrier d’Or, et j’en suis fière, car non seulement j’étais la première femme à obtenir cette récompense, mais, de plus, j’étais une « provinciale ». En 1999, j’étais la Cravache d’Or régionale, avec 22 succès.
Et « Paris » ?
En 2000, mon premier quinté. Deux en 2001, et, là encore, j’étais la première fille, en plat, a remporter deux de ces épreuves médiatiques. Avant moi, il y avait eu Darie Boutboule, avec Abdonski, en 1984, mais elle n’était pas professionnelle, puis l’irlandaise Caroline Lee, qui s’étaient illustrées au même niveau, mais une fois seulement. Il y en eût trois en 2002, avec, cerise sur le gâteau, celui de la Finale, à Saint-Cloud, de la Coupe des Champions. Je montais beaucoup pour Patrick Nicot, mais c’est Bruno de Montzey qui m’a vraiment « lancée ». On a commencé par un « réclamer », en région parisienne, puis une course B, puis des places dans des listed Races… Robert Collet m’a demandé, Cunnington, aussi…
Et c’est là que…
Oui. C’est là que… En mars 2003, je me suis gravement accidentée. Je suis tombée sur la tête, mes jambes, dans le mauvais sens, sous mon dos… J’ai perdu connaissance.
Des souvenirs, tout de même ?
Bien sûr. Ce ne sont pas les pompiers qui sont intervenus, mais des « infirmiers » de l’hippodrome. En fait, ils m’ont mal « ramassée », ne m’ont pas placée dans une coquille. Ils ont constaté que je parlais et, pour eux, c’était suffisant, ou tout au moins bon signe. Mais je ne parlais pas, je délirais…
Hôpital ?
Evidemment. Mais j’y ai attendu de 17 heures à minuit avant de passer sur le « billard ». D’après ce qu’on avait dit aux spécialistes, je ne souffrais probablement que d’une omoplate. Alors, pendant ces heures d’attente, j’ai bougé. Ce qu’il ne fallait surtout pas faire… Ma sixième vertèbre dorsale était bien fracturée, et l’hématome qui a grossi, grossi, a fini de la « péter ». Résultat : tétraplégie secondaire… 8 heures d’opération, on m’a glissé, le long de la colonne, une plaque de 8 centimètres sur 12, des fils métalliques qui tenaient mes vertèbres…
Avez-vous pensé que votre carrière était terminée ?
Il y a eu des moments de doute, forcément, mais je suis une battante. Tout ne pouvait pas se terminer de cette façon. En 2004, les chirurgiens m’ont retiré cette fameuse plaque, j’ai réappris à monter à cheval. Bruno m’a refait confiance, au contraire de Patrick Nicot, nous avons gagné, notamment, de belles épreuves réservées aux Anglo-Arabes. En 2007, pour John Hammond, j’ai remporté un nouveau quinté, avec Ptérodactyl.
Pour qui travaillez-vous, désormais ?
Pour moi ! Je suis atteinte d’une cyphose digne d’une vieille dame, et je ne tiens plus à cheval plus de deux heures par jour. J’ai trop mal. Alors, quand je dis à un entraîneur que je ne peux monter que deux lots, le matin, il tique un peu, ou veut bien me payer au coup par coup, ce qui ne suffirait pas… Je préfère demeurer free-lance.
Toujours dans le Sud Ouest ?
Non, j’ai acheté une petite maison à Saint-Leu-d’Esserent, à quelques kilomètres de Chantilly.
Ne regrettez-vous pas la douceur de votre département ?
Les confits, le foie gras, la lumière… Surtout la lumière. Il fait sombre, ici. J’aimerais avoir une maison décapotable…
Des passions ?
J’adore bricoler. Je n’en ai, hélas, pas trop le temps, avec la décentralisation, et certains travaux sont un peu durs. Mais j’aimerais retaper une bicoque de A à Z, les murs, les plafonds, la peinture, la déco…
Vous vivez seule ?
Non. J’ai une compagne, Stéphanie.
Comment voyez-vous votre avenir ?
Je n’arrive pas à me projeter, à long terme, dans le futur. Tous les mois, je mets un peu de sous de côté, pour ma retraite, que j’espère la plus lointaine possible, mais tout va bien, si l’on peut dire, au niveau physique, pour l’instant, et je n’envisage pas de ranger mes bottes.
Autre chose ?
Date très importante, dans ma vie, ce mercredi 2 novembre 2011.
De quel événement s’agit-il ?
J’ai rendez-vous chez un tabacologue. Il m’a promis que je pouvais arrêter de fumer. Et j’y tiens…
Prise de conscience ?
Disons que, depuis un bon moment, je grille un paquet par jour. Quand on travaille en plein air, de nombreuses heures, à se dépenser, ça peut passer, mais quand on a ralenti ses activités, que l’on est assise dans son fauteuil pour regarder Equidia, ou Internet pour les engagements, on se dégrade. Je le constate. J’ai « pris » 10 ans en deux saisons, ma peau se ternit, j’ai une sale tête… Rien qui ne me convienne… Et, surtout, une fois libérée du tabac, je « pousserai » mieux, dans une arrivée…