En selle sur Tip Dancer, ce lundi 25 avril à Auteuil, il a remporté le Prix Roger Duchêne, le Grand Prix des Jeunes Jockeys. Son septième succès de l’année… Pourtant, il n’est devenu « apprenti » que l’été dernier. Mais il faut dire que son passé de cavalier est déjà long : en 2007, il a décroché le titre de Champion de France de Concours Hippique, dans la catégorie 4 Ans D (les « grands poneys »), il a enregistré des victoires, en plat comme en obstacle, en tant que gentleman-rider… A 21 ans, Mathieu Delage a tout l’avenir devant lui…
Comment tout a-t-il commencé ?
Ma mère était cavalière de Concours, comme mon père, Christian, qui s’est aussi essayé comme entraîneur public à Maisons-Laffitte, durant une sassez brève période, à Maisons-Laffitte, avant ma naissance. Ensuite, ils se sont installés en Normandie à côté de Pont-l’Evêque, et j’ai toujours grandi avec les chevaux. J’ai commencé le Concours très jeune, avec, très rapidement aussi, l’envie persistante d’être jockey.
Vos parents étaient d’accord ?
Oui, mais comme beaucoup d’autres, soucieux de l’avenir de leurs enfants, ils m’ont dit : «passe ton BAC d’abord… ».
Ce que vous avez fait ?
Oui, un BAC ES, économique et social. Mais j’avais déjà commencé à monter en « amateurs », et j’étais bien davantage dans mes courses que dans mes études. Tous les samedis, et les jours de vacances, j’étais à droite ou à gauche, en quête d’un nouveau lauréat. J’ai raté l’examen, même si, honnêtement, j’en avais le niveau.
Et y a-t-il eu beaucoup de gagnants ?
Une dizaine, en plat, pour 70 montes, et 3, en obstacle, pour une trentaine de tentatives. Stéphane Wattel, installé à Deauville, faisait appel à moi, qui habitais tout à côté. Jacques Rossi aussi…
La suite ?
L’obstacle m’attirait davantage, venant du Concours, c’est vraiment mon « truc », et, de plus, les problèmes de gabarit me barraient la route du plat.
Vous vous mettez en selle à quel poids ?
61 kilos, sans soucis, pour 1,72 mètre. Depuis environ 2 ans, j’ai pu rejoindre l’équipe de Guy Chérel, à Maisons-Laffitte, sous forme de « stages », au départ, et, l’été dernier, j’étais en pleine forme, ça marchait bien, j’ai décidé de franchir le pas, et de faire changer ma licence.
Vous avez tout de même le statut « d’apprenti »…
Oui, ce n’est pas comme en plat. Antonio Spanu et Christophe Lemaire, qui étaient passés par les rangs amateurs avant de devenir professionnels, n’avaient pas eu droit à la décharge, pendant 12 mois. En obstacle, les règles sont différentes.
Depuis votre nouveau « métier », vous avez participé à une cinquantaine d’épreuves. Est-ce suffisant ?
Oui. J’apprends, sans arrêt. Je suis peut-être entré dans le circuit « sur le tard », par rapport aux collègues qui ont suivi la filière « normale », mais je ne dois pas brûler les étapes pour autant. Et je ne regrette pas mon itinéraire. Fin 2010, j’ai eu la chance, que dis-je, le privilège d’être associé à Tir au But, appartenant au Haras de Saint Voir, et entraîné par mon patron, dans une belle compétition pour débutants de 3 ans. C’était ma troisième sortie à Auteuil, après une 4ème place, en gentleman, dans le Prix Duc D’Albuquerque, et un essai dans un « réclamer », et je me suis imposé de ce que j’ai voulu… Je ne vous raconte pas, d’autant que tout le monde était surpris, même l’entourage et, donc, moi…
Lundi, c’était donc le deuxième succès dans le « Temple »… Qu’avez-vous ressenti ?
Beaucoup d’émotion. On est toujours heureux en passant le poteau en tête, mais c’était le Prix Roger Duchêne, en hommage au Papa de mon ami Arnaud, et, dans l’esprit « à la mémoire de », j’ai perdu mon père il y a un mois et demi. Le tout s’est mélangé, bien sûr. Mon père était mon premier supporter, il m’a appris à monter à cheval, il m’a toujours soutenu… Je n’ai pu empêcher la petite larme de couler.
D’autres passions ?
Non. Depuis toujours, c’est : cheval, cheval, cheval… Je ne pense qu’à mon travail, qu’aux chevaux, qu’aux courses…. Et, de toute façon, chez Guy Chérel, on n’a pas le temps de penser à autre chose.
Pas de loisirs du tout, alors ?
Si, j’aime bien les sorties avec les copains. Peut-être même un peu trop… C’est de mon âge, je gagne un peu d’argent, j’ai envie d’en faire profiter mes proches, qu’on s’amuse… Toutefois, je ne vais pas aller danser la veille de mon « Grand Steeple »…
Tout se passe bien, avec Guy ?
Je vais tenter de dire oui. Mais, bien sûr, il y a des hauts et des bas, comme dans tout rapport employeur-salarié. Il « gueule » souvent, mais, presque toujours, il a raison, et c’est pour notre bien, pour la bonne marche de l’écurie.
Vous envoie-t-il en province ?
Oui. Beaucoup. En début d’année, je suis allé partout, tout en assurant le meeting de Pau. Des voyages en voiture, ou en camion. Ce n’est pas ma « tasse de thé », mais il faut le faire, et on n’en tire que de bonnes leçons.
Regardez-vous « vos » vidéos, dans les vestiaires, ou chez vous ?
Bien sûr. Avec un œil critique. Mais, même sans les films, je pense savoir analyser mon parcours, à quel moment j’ai commis une erreur ou pris la bonne décision. Nous en parlons aussi entre nous puis, plus tard, « à froid », éventuellement au cours d’un dîner. Je suis là pour progresser.
Avez-vous des modèles ?
Je crois que beaucoup de pilotes sont très bons. Je n’ai pas d’idole, que je regarde avec les yeux de l’amour, en me disant « mon Dieu, j’aimerais tant être à sa place »… Je m’inspire de la monte des meilleurs, mais je ne les copie pas, je n’ai pas « d’Icône ».
Quelques noms, tout de même ?
David Cottin. Il est inapprochable. Jonathan Plouganou a un sens du train, et de la course, extraordinaires. Il y en a d’autres, moins en lumière, mais qui mériteraient de l’être tout autant, comme Alexis Acker, Anthony Lecordier, Arnaud Duchêne, Grégory Adam…
Des objectifs ?
Le jour du nouvel an, avec un copain, je m’étais fixé la barre des 15 succès, en 2011. Et des « sous-objectifs », comme une carotte au bout… du bâton, avec des poulains, ou pouliches, bien précis, des résultats à obtenir en les amenant progressivement au top… A l’image de petits programmes.
L’objectif devrait être dépassé…