Mercredi 9 Février 2011
elwis-lequesne

Il a fini 2010 par une victoire dans le quinté du 29 décembre à Cagnes-sur-Mer, avec Royal Surabaya, il a commencé 2011 par une deuxième place dans l’événement du 4 janvier à Pau, avecDeus Ex Machina, et, ce mardi 8 février, toujours en Béarn, il a enregistré un nouveau succès, avecGratia Plena, et pris un nouveau premier accessit. A 34 ans, Elwis Lequesne ne fait pas de bruit, mais il est toujours là et, l’an passé, il a encore réalisé une très belle saison…

Bravo !

J’avais conclu deuxième à 5 reprises, depuis le début de l’année. Il fallait bien que « ça passe », à un moment.

Pourquoi les chevaux ?

Mon père a commencé comme « garçon », puis il a monté les échelons, petit à petit. Il s’est occupé de l’élevage, chez David Powell, puis chez Jean-Pierre Dubois… J’ai été bercé par le bruit des sabots, à 12 ans, je me mettais en selle sur les poulinières, quelques mois plus tard sur les « vrais » chevaux de course… Et j’étais un « sale gosse », à l’école.

Vous vouliez devenir jockey ?

Non. Travailler dans ce milieu, oui, mais pas forcément jockey. Je suis entré à l’AFASEC de Maisons-Laffitte, avec, toutefois, Jehan Bertran de Balanda pour maître d’apprentissage. C’est pour lui que j’ai gagné ma première course, le jour de mon anniversaire, mes 16 ans, dans le Prix de l’Anniversaire ! Sur le coup, j’y avais vu comme un signe, avant de me rendre compte que, dans ma génération, il y avait de sérieux « clients », à l’image de Thierry Thulliez, par exemple. Mais, à cette époque, les règles avaient momentanément changé, il fallait une alternance, et passer de Maisons-Laffitte à Chantilly, puis vice-versa, travailler le matin, aller à l’école l’après-midi… Bref, cela ne convenait pas à Jehan Bertran de Balanda, chez qui j’étais resté 2 ans, qui m’a recommandé à Jean Lesbordes.

La suite ?

Chez Jean, j’ai rencontré Didier Mescam, crack jockey d’obstacle, aujourd’hui malheureusement disparu. Il a été mon « maître ». Avec lui, je suis parti participer à mon premier meeting de Pau.

Lancé ?

Non. Mes parents, et moi, avions oublié de me faire recenser, pour le Service National, et j’ai donc été appelé sous les drapeaux. A mon retour, il me fallait trouver une place. J’ai d’abord travaillé pour Nicolas Clément, comme lad, durant un an, un an et demi, puis chez Emmanuel Chevalier du Fau. Là-bas, j’ai côtoyé des « pointures » comme Patrice Julien ou Steve Haes… J’étais toujours lad. C’est eux qui m’ont conseillé de monter en obstacle, vu ce que je montrais le matin.

Alors ?

J’ai débuté dans la spécialité. Sans que cela ne me plaise plus que cela. Emmanuel Chevalier du Fau, qui entraînait pour de prestigieuses casaques, comme celles de la Marquise de Moratalla ou de Robert Fougedoire, faisait appel aux vedettes… Je n’avais pas trop ma place… Je suis donc parti chez Gérard Collet, pour 3 ans, avec deux années superbes. J’y ai beaucoup appris.

Vous n’êtes pas resté ?

Non. Il n’avait plus beaucoup de sauteurs, et je me souviens de mon triste record : j’avais assuré un meeting d’hiver, à Cagnes-sur-Mer, avec 21 montes pour… 17 « pancartes » !

Sans mauvais jeu de mots, comment avez-vous « rebondi » ?

J’ai rejoint l’écurie de Bernard Barbier. En un peu plus d’une saison, j’y ai perdu ma décharge.

Facilement ?

Règle numéro 1, pour les apprentis : monter aux ordres. Règle numéro 2 : savoir s’adapter aux circonstances et, donc, prendre, parfois, des initiatives. Le tout m’a bien réussi.

Une fois passé « pro » ?

Il était bien évident que je ne pouvais pas lutter avec le jockey « maison », Cyrille Gombeau, et que je ne pouvais obtenir les premières montes. J’ai donc répondu, avec l’accord de Bernard, aux sollicitations de Ronald Caget ou Philippe Lefèvre, et j’ai d’ailleurs terminé « tête de liste » dans l’Est.

Aujourd’hui ?

Je me rends régulièrement dans l’écurie Ouaki, le matin, où chez les Doumen, avec mon ami Benoît Delo, chez Olivier de la Garoullaye, qui n’a que 3 représentants, ou encore chez Bernard Barbier, bien sûr. Mais, désormais, je suis assez libre de mon emploi du temps, et cela me plaît beaucoup.

Développez, un peu…

Disons que, maintenant, je sélectionne davantage mes montes… Me mettre en selle, souvent, pour finir nulle part, tomber ou arrêter mon partenaire, ne m’intéresse plus. Et votre image s’en ressent… 2010, même si je n’ai pas signé beaucoup de lauréats, a été une bonne année, pour moi. J’ai pris beaucoup de places, bien gagné ma vie… Et, par le passé, j’ai « préparé » tellement de chevaux...

Comment cela ?

Il faut savoir perdre des courses pour en gagner d’autres, même si ce n’est pas vous qui serez associé à celui à qui vous avez donné une bonne leçon. Avec un sauteur, mieux vaut venir en piste une douzaine de fois dans l’année, prendre un chèque à chaque voyage, que de « casser le cœur » de votre partenaire pour une épreuve remportée d’un nez, à grands coups de « serpe »…

A votre âge, avez-vous déjà songé à une éventuelle retraite ?

Je n’ai pas peur, pas mal, je suis en pleine santé. Non. Les chevaux me diront à quel moment je devrai arrêter. Ce n’est déjà pas facile avec les bons, alors, si je n’en ai plus que de moins bons à piloter, on verra. Mais, pour l’instant, tout va bien. Et je n’ai absolument aucune idée de ce que pourrait être ma reconversion.

Côté vie privée ?

Top. Ma compagne, Christine, une sœur de l’amie d’Alvaro Viera, qui a été un grand jockey de l’Est avant de se révéler à Auteuil et d’être victime d’un grave accident, est alsacienne. Elle est employée à la sécurité de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Nous avons eu une petite fille, Hyden, 18 mois, qui nous comble de bonheur, et qui m’a encore « posé » davantage. Je sais, je m’y suis mis un peu tard, mais nous avons une vie particulière : jamais là, pas de dimanches, en 2010, je n’ai pas pris de vacances et, cette année, mes 5 semaines de congé, j’y ai renoncé pour descendre  à Cagnes…

D’autres passions ?

Les cartes. Pas le poker. J’habite à Coye-la-Forêt, un petit village non loin de Chantilly. Nous sommes trois jockeys à y résider : Benoît Delo, Christophe Lemaire, avec qui je bois souvent le café, au bar d’en face, le matin, avant d’aller bosser, et qui a su rester d’une simplicité incroyable, et moi. Je n’oublie pas Gérard Benoît, un voisin, qui a mis un terme à sa carrière, mais qui est toujours dans le coup. Alors, quand j’ai le temps, j’adore aller taper le carton avec les « anciens », qui nous couvent, qui saluent nos bonnes performances et nous réconfortent quand nous avons pris une gamelle… Ils sont adorables, des retraités qui nous remercient parce qu’ils avaient misé 2 euros sur nous, et que nous leur en avons rapporté 6 ou 8… L’été, on troque les légumes, on boit le coup en terrasse. C’est ma petite vie. Simple, entre nous, sans « grade social ». Et je suis heureux comme ça.

Du sport ?

Beaucoup de natation. J’aime. Je n’ai pas de problèmes de poids, pour me maintenir à 63 ou 64 kilos. Une petite soupe, c’est tout, s’il le faut un soir, ou un « japonais » pour descendre d’1 kilo en 24 heures, mais je n’ai pas à me plaindre. Cependant, Bernard Barbier me recommande de ne plus trop aller à la piscine car j’ai tendance à… prendre du muscle !

Vous reste-t-il du temps ?

Non. En dehors de tout ce que je viens de vous exposer, je suis comme tout le monde : j’ai une vie de famille, très importante pour moi, les « courses », celles au supermarché du coin à faire, ma fille à bichonner quand ma femme n’est pas encore rentrée…

Voulez-vous rajouter quelque chose ?

J’adore mes parents, ma femme, ma fille, ma famille. J’ai des amis aux quatre coins de la France, car j’ai tout de même bien roulé ma bosse, et je suis reçu chez eux avec  des attentions qui me touchent à chaque fois. J’aime tout le monde… et j’aimerais que tout le monde m’aime !