Mardi 11 Octobre 2011
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A 21 ans, il vient de vivre quatre jours extraordinaires : vendredi 7 octobre, il s’imposait sur les obstacles d’Enghien, avec un pensionnaire de Patrice Lenogue ; samedi 8, il menait à la victoire, en plat, à Maisons-Laffitte, un élève de Werner Baltromeï ; dimanche 9, sur les haies d’Auteuil, c’est un protégé de son patron, Jean-Paul Gallorini, qu’il conduisait au succès, et, lundi 10, de retour en plat, en selle sur un représentant de Patrice Chatelain, il gagnait encore… Gaëtan Masure n’en restera pas là…

D’où venez-vous ?

De Belgique, Bruxelles.

Il n’y a pas beaucoup de chevaux, là-bas…

Mon père, Patrick, faisait partie des top jockeys belges. Il a arrêté quand les courses, chez nous, ont périclité, mais moi, je suis tombé « dans la marmite » tout petit… Je n’ai jamais eu d’autres idées que de devenir jockey à mon tour…

Vous montiez à cheval ?

A Sterrebeek, une dame, très gentille, Martine de Smet, me prêtait ses poneys. Tout gamin, j’empruntais une selle de course de mon père, et j’allais faire des tours sur l’hippodrome, en m’inventant des tas de trucs…

Des courses, avec les poneys ?

Non. Cela existait, mais je n’ai jamais eu l’occasion d’y participer.

Vous avez donc appris tout seul ?

Un peu, oui. Il fallait bien que je me débrouille…

Ensuite ?

Mon père m’a prévenu : « Si, vraiment, tu veux être jockey, il faut que tu entres à l’école AFASEC du Moulin-à-Vent, à Gouvieux… »

Alors ?

Chose dite, chose faite. D’ailleurs, Papa m’a suivi, il a été engagé chez André Fabre comme cavalier d’entraînement.

Et vous ?

J’ai eu Cédric Boutin comme maître d’apprentissage. Un excellent formateur, sans doute l’un des meilleurs, d’après ce que j’ai pu voir et entendre dire. Un certain Christophe Soumillon est là pour en témoigner…

Il vous faisait confiance ?

Il m’a fait prendre ma licence, à 16 ans, et, la première année, j’ai dû disputer une dizaine de compétitions, et c’est pour lui que j’ai enregistré mon premier gagnant, à Amiens. La deuxième année, je me suis mis en selle un peu plus, et j’ai réalisé un bon meeting, à Cagnes-sur-Mer. J’ai alors commencé à collaborer avec l’agent Alexis Doussot.

Vous avez quitté Cédric Boutin…

Oui. Pourtant, je m’y plaisais bien, mais je voulais voir autre chose, une écurie riche en éléments de meilleures valeurs. Carlos Laffon-Parias m’a pris à son service… J’y suis resté jusqu’à la perte de ma décharge, en 2009.

Y avez-vous senti une différence ?

J’y ai appris à monter les bons chevaux. On a beau dire, la tactique, l’approche, la monte, sont différentes, avec des pur-sang qui ont un fort potentiel. Les « réclamers », que j’aime tout autant, n’ont pas les mêmes réactions. Une très bonne école.

Des résultats ?

J’ai signé deux listed Races, en France, quatre ou cinq en Allemagne. Depuis, il y a eu deux Groupes III, l’un à Munich et l’autre à Copenhague… J’aime bien les voyages.

Mais vous avez connu des problèmes de poids, et avez dû vous tourner vers l’obstacle, non ?

C’est ce que tout le monde croit, mais non… La balance accuse 53,5 kilos, et, même depuis que je tâte aussi de l’obstacle, je n’ai pas pris un gramme. J’avais simplement envie d’essayer, ce que j’ai fait, à Maisons-Laffitte, à l’entraînement. J’ai adoré…

Du coup ?

J’ai débuté, officiellement, j’ai gagné pour Patrice Lenogue, à Compiègne, et c’était mon seul succès sur les balais, jusqu’à la semaine dernière. Malheureusement, l’hiver dernier, j’ai chuté, en plat, c’est un comble, à Marseille, et je me suis cassé un bras. Pratiquement trois mois d’arrêt, et j’ai manqué tout le meeting de Cagnes. Chacun le sait : on t’oublie vite…

L’Association des Jockeys ne vous a pas oublié, elle…

Que non ! Je ne suis pas le plus fort pour m’occuper des papiers. Ils ont tout pris en charge. Heureusement qu’ils, et elles, sont là…

Depuis ?

J’ai eu la chance de pouvoir rejoindre l’équipe de Jean-Paul Gallorini, à la mi-août. Là encore, un grand professeur, et quel metteur au point ! Il est exigeant, évidemment, mais autant avec lui-même. Et il n’y a qu’ainsi qu’on progresse.

Vous laisse-t-il libre de vos montes ?

En plat, quand il n’a pas besoin de moi, bien sûr, totalement. En obstacle, il a évidemment la priorité, aussi, et il regarde de très près les autres. Il ne veut pas que je m’engage n’importe où. C’est tout à fait normal.

Et le fait d’alterner les deux spécialités n’est-il pas perturbant ?

Pas du tout. C’est la même monte, pour moi, sauf que mes étriers sont un peu plus longs, en obstacle. Les timings sont différents, mais les tactiques de base restent les mêmes. Je dirais même que c’est un avantage, pour l’obstacle, d’être jockey de plat.

Vous venez de réaliser un genre de petit exploit, quelles impressions ?

Je voulais, depuis un moment, tellement passer le poteau en tête, à Auteuil, c’est arrivé dimanche, qui plus est pour mon patron, et je valais 40/1 avant le saut de la « der »… Autant de joie que lors de mes Groupes…

Vous pouvez nourrir deux rêves : le Grand Steeple-Chase de Paris et le Prix de l’Arc de Triomphe… S’il devait n’y en avoir qu’un…

Question embarrassante, les deux sont tellement mythiques… Mais l’Arc, tout de même. C’est l’une des plus grandes épreuves du monde, sinon la plus belle… Cela dit, je me contenterais facilement du Grand Steeple…

Des modèles ?

En plat : Christophe Soumillon, avec une petite note patriotique, et Olivier Peslier, comme beaucoup. Et, en obstacle, la légende, Christophe Pieux. On ne reverra pas de sitôt un pilote ranger 15 Cravaches d’Or sur sa cheminée…

D’autres passions ?

Nous n’avons pas beaucoup de temps, d’autant que je vais là où l’on m’appelle, en région parisienne comme en province. Mais j’aime beaucoup le sport. Je cours, de temps en temps, pour la forme et le poids, mais, actuellement, je suis à fond dans le squash… Je vais aussi me remettre au football, plusieurs collègues me l’ont demandé.

Une amie ?

Claire Toutain, la fille de Patrice, l’entraîneur de trot. Elle connaît donc les contraintes du métier, elle me mitonne des petits plats qui ne font pas grossir, elle s’occupe vraiment bien de moi, et je vous garantis que ce n’est pas évident !

Vous aimez donc bien manger…

Oui. Il nous arrive de nous faire un petit restau, quand l’emploi du temps le permet…

« Galérien » ?

Pas du tout. Si je suis deux ou trois jours sans monter, je ne dis pas que nous n’allons pas nous offrir une petite soirée, histoire de me changer la tête, mais c’est rare. Et j’ai une règle absolue : arriver au top sur un hippodrome.

On s’en est aperçu…