Vendredi 2 Septembre 2011
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Il ne s’agit pas du traditionnel Festival du Film Américain, qui se déroule dans la célèbre cité balnéaire quand les aoûtiens ont déserté la côte normande. Mais du soleil qui a éclairé cet été maussade : Anthony Lecordier a réalisé un véritable festival sur les embûches de Clairefontaine. Le Prix Léopold d’Orsetti, la Grande Course de Haies de Clairefontaine, et le Grand Steeple-Chase de Deauville, avec son cher Espoir de Kerbarh, mis au point par Christian Scandella. Huit victoires, en tout. Fils de Jean-François, excellent jockey d’obstacle, en son temps, et petit fils de Jacques Dubois, lui aussi cavalier émérite avant de devenir entraîneur, l’avenir d’Anthony semblait tout tracé. Pourtant, lui, il préférait… le football ! Et puis…

Que s’est-il passé ?

J’ai intégré l’équipe « poussins » du Paris Saint-Germain… J’ai suivi la filière, jusqu’à celle des « moins de 13 ans », puis des « moins de 15 ». Tout allait bien. Sauf…

Sauf quoi ?

Je suis d’abord allé dans un lycée « normal », avant d’entrer en « sport études ». J’ai eu le tort de me donner à fond à mes études. Il y avait trois séances d’entraînement par semaine. J’en ai loupé quelques-unes, c’est vrai. Ils se sont livrés à des statistiques, par mois, pour l’année… Ils m’ont dit que je n’étais pas assez motivé.

Alors ?

J’ai été écoeuré. C’était fini.

Des regrets ?

Je ne me pose pas du tout la question. C’était une étape.

La suite ?

Du coup, pour donner un coup de main à mon Grand-Père, nous sommes descendus à Cagnes-sur-Mer, l’hiver, avec mon Père, qui avait déjà arrêté. Et un jour, alors que je m’étais posté dans le dernier tournant, j’ai vu les chevaux arriver, j’ai eu comme un flash. J’ai dit à Papa : « Je veux faire comme toi : jockey ! ».

Saviez-vous monter à cheval ?

Pas du tout. C’est Loïc Michel, qui avait été garçon de voyage chez Philippe Van de Poële, qui m’a mis en selle. En deux mois, il m’a énormément appris. Et il m’a glissé dans l’oreille : « ça va aller… ».

C’était vrai ?

AFASEC, avec Elie Lellouche pour patron d’apprentissage. A l’époque, je pesais 49 kilos, mais j’étais en pleine croissance, bien sûr. J’ai vite atteint les 56 ou 57 kilos. Il m’a alors dit de me tourner vers l’obstacle. Je lui ai répondu : « Je suis là pour ça… ». Du coup, tout c’est bien arrangé pour que j’intègre l’équipe de Jehan Bertran de Balanda. J’y ai débuté en plat, puis me suis tourné vers les balais. Mais je ne montais pas, alors au bout d’un an et demi, j’ai rejoint Hervé Billot. J’ai « fait » beaucoup de province, avant, sur les conseils de mon Grand-Père, d’entrer chez Bruno Jollivet, qui m’a permis d’enregistrer mon premier gagnant à Auteuil. Il n’avait que 7 représentants, mais il a été un grand professeur, pour moi. Il m’a mis en tête tous les parcours, il me faisait même des dessins… Il est comme mon deuxième père.

Vous n’êtes cependant pas resté…

Là encore, un an et demi. Mais, même si je me sentais bien, il n’y avait pas assez d’opportunités, par la force des choses. Richard Chotard m’a accueilli, j’ai déménagé de Maisons-Laffitte à Chantilly, et là, tout s’est déclenché. Il y a eu 20 victoires à la clef…

Et de moins bons souvenirs…

En 2009, je me suis cassé la clavicule gauche à trois reprises, avec même, une fois, déchirement des ligaments. Le premier coup, on pense, c’est normal, tout le monde se brise la clavette. Le deuxième, ce n’est pas de pot. Mais le troisième… J’ai bien failli tout arrêter, je n’étais visiblement pas fait pour ce métier. Mais la passion a repris le dessus. Je me suis aligné de nouveau au départ, un peu plus tard, je me suis imposé… Comment aller contre ?

Tous ces mois sur la touche, pas de rentrées d’argent ?

J’étais salarié, chez Richard. Et l’Association des Jockeys a été formidable. J’en profite pour envoyer un petit « coucou » à Maria.

D’autres horizons, ensuite…

J’ai remporté mon premier Groupe pour Bernard Secly, la Grande Course de Haies des 3 Ans, à Enghien, avec Townsville. Puis le Prix la Pécrichole, à Auteuil, avec Royal François, mis au point par « Papy » Dominique Bressou.

Vous êtes « free-lance », désormais…

Oui. Le matin, je travaille pour Christophe Aubert, François-Xavier de Chevigny, Patrice Lenogue, Richard Chotard, Elie Lellouche ou John Van Handenhove… Cela me convient tout à fait…

Combien totalisez-vous de succès ?

91.

Perdre votre décharge vous-a-t-il été préjudiciable ?

J’ai connu un « petit coup de mou » durant deux ou trois mois, mais c’est vite reparti … comme en 14 !

Que dit votre père ?

Il insiste toujours : « j’ai gagné ci, j’ai gagné ça… » Et quand je lui ai demandé s’il avait remporté la Grande Course de Haies de Clairefontaine, il a dû m’avouer que non. Je l’ai « piqué » : j’ai une longueur d’avance sur toi… Mais il est très content. Il vit mes émotions. Et il les connaît.

En dehors des courses ?

Le foot, bien sûr. Au début, je regardais les courses, mais le ballon rond me captivait toujours. Je participe aux tournois « Paquet », Philippe, cet ancien crack jockey qui s’est accidenté en Asie. Je cours. Je joue au paint-ball, avec Olivier Peslier, qui est « équipé course ». Mais je concède qu’après le boulot, j’aime bien rentrer chez moi, dans la maison que nous avons achetée à côté de Chantilly.

Nous ?

Depuis 5 ans, je vis avec Marine, la fille du propriétaire de Water Dragon, qui a connu son heure de gloire chez Philippe Paquet, qui était alors entraîneur.

Le poids ?

Je peux monter à 63, si on me prévient un peu avant. J’adore les bons petits restaus, et, c’est vrai, faire la fête.

Faire la fête ?

Nous sommes allés à Waregem, mardi dernier, pour la grande journée de courses. On s’est bien éclaté. Mais cela faisait six ou sept mois que nous n’étions pas sortis. On sait faire « les cons », mais… avec modération !