Jeudi 17 Octobre 2019
Anthony Lecordier- Mes Amours, mes emmerdes

Anthony Lecordier
Né en 1987
1ère monte en 2004 à Chantilly
1ère victoire en 2006 à Auteuil
2500 montes
220 gagnants, dont 2 Groupes 3 et un Groupe 2

Du sang de jockey coule dans ses veines. Avec un papa jockey, Jean-François Lecordier, un grand-père jockey et Cravache d’Or, Jacques Dubois, une maman cavalière du matin, le destin d’Anthony Lecordier était tout tracé. Il serait jockey, lui aussi.
Rencontre avec un jockey sympathique, fraîchement retraité, bien connu des pelotons.

« La Passion est le maitre mot de ce métier ! La passion des chevaux avant tout …
Lorsque l’on entre dans le métier en tant qu’apprenti, la route est longue … il faut être patient. Les chevaux m’aident beaucoup, c’est pour eux que je me lève tous les matins !
Les préparer, les sauter, regarder les engagements, les emmener à la victoire … l’adrénaline que cela procure, voici la recette magique de ce métier que j’ai fait pendant 15 ans. Presque la moitié de ma vie finalement …

Prendre des coups physiques et moraux, les encaisser, les digérer, se relever, repartir, garder son sang froid … rythment le quotidien. C’est le plus beau métier du monde certes mais ce n’est pas un métier facile. J’ai un bon tempérament, j’encaisse beaucoup. Très secret, je parle peu … jusqu’à l’explosion. Ma femme et mes enfants m’ont aidé à surmonter bon nombre d’épreuves. J’en suis reconnaissant.

Ensuite vient la motivation pour accéder à la compétition. Après avoir appris le métier sérieusement, la confiance du patron te permettant de monter en course est la plus belle des récompenses.
Sans oublier évidemment qu’il te faut un peu de talent… et sans aucun doute être cavalier, avoir la fibre, écouter et comprendre les chevaux que l’on monte.

Aujourd’hui, je dois malheureusement avouer que le vestiaire a changé … les nouvelles générations ne nous ressemblent pas. J’ai eu la chance de croiser, de monter, d’échanger et d’apprendre aux cotés de cracks jockeys : Jacques Ricou, Christophe Pieux, Cyrille Gombeau, Régis Schmidlin… Il est nécessaire pour les jeunes jockeys de respecter les anciennes générations, ils ont tout à apprendre d’eux. Ce n’est que du bonus. Actuellement, ils n’écoutent pas suffisamment, ils n’acceptent que peu de conseil, malgré leur jeune carrière et leur peu de gagnants.

Chez mon patron d’apprentissage en obstacle, Jehan Bertran de Balanda, je montais avec Laurent Métais, j’observais, je posais des questions, il m’a beaucoup appris.
Ces dernières années, j’ai essayé de transmettre mon expérience dès qu’un jeune motivé en manifestait le besoin, cependant si j’étais face à quelqu’un qui n’y accordait que peu d’intérêt, je laissais tomber. C’est dommage, pour la qualité des cavaliers à venir. Il y aura toujours des génies, à chaque génération, mais cela ne suffit plus. Les mentalités des générations actuelles sont très différentes de celles de notre époque.


Malheureusement et heureusement, les temps changent, il faut évoluer avec ça … et je pense que, dans notre milieu, il y a de gros décalages. Entre les jeunes, par exemple dont on vient de parler, et les commissaires dont on a l ‘impression qui n’ont pas conscience de la dangerosité et de la complexité de notre métier. Les jockeys sont souvent peu écoutés, entendus mais réprimandés sévèrement par rapport aux faits.

Je ne regrette rien, j’ai vécu de ma passion, et j’en suis fier. Je suis ravi de ma carrière. Cependant, j’ai vécu ces trois dernières années comme une traversée du désert, qui a commencé par un lourd accident … 3 mois d’arrêt : 5 fractures du bassin, 6 côtes de cassées dont 2 perforant le poumon, multiples fractures dans l’épaule. Grâce à la rééducation faite au centre de Cap Breton, ma reprise s’est très bien passée, j’étais en condition. En revanche, retrouver mes clients n’a pas été simple … malgré les allers -retours Chantilly/ Maisons Laffitte, sauter des lots à droite à gauche … les chevaux, les entraîneurs, les jockeys d’expérience et les jeunes, personne ne m’a attendu. J’ai été vite remplacé.

Ce qui m’a motivé, voir sauvé, c’est le coup de téléphone de Jean-Paul Gallorini. J’étais encore sur mon lit d’hôpital lorsqu’il m’a proposé un cheval de Grand Steeple : VANILLA CRUSH. C’est mon coup de cœur, le meilleur cheval que j’ai monté ces trois dernières années. Je remercie le cheval et son entraîneur.

C’est Pierre Fertillet et Mathieu Boutin qui m’ont donné un peu de souffle pendant le dernier meeting de Cagnes sur Mer 2018/2019. Pierre m’a assuré une ou deux montes par réunion pendant tout le meeting. J’ai embauché chez Mathieu pour travailler les quelques chevaux d’obstacles, comme ZIE DE KET que j’ai monté dans les handicaps. Je montais également toutes les réunions en Suisse, jusqu’au dernier Grand Steeple de Suisse. Je reste travailler chez Mathieu pour le moment, j’ai une bonne place, tout se passe très bien … Mais on verra où la vie me porte. Je suis très débrouillard et ne me ferme aucune opportunité. Avec ou sans chevaux. Je reste passionné, mais sans la compétition, les challenges ne sont plus les mêmes. Je suis jeune et prêt à toute reconversion.

Si j’ai un regret … c’est peut être de n’avoir jamais tenté d’aller monter chez un entraîneur du TOP 3 … mon niveau et ma carrière n’auraient sûrement pas été les mêmes. Nous étions nombreux, toutes mes étoiles n’étaient peut-être pas toujours alignées. Mais on ne refait pas l’histoire.

Je remercie tous les propriétaires, les entraîneurs, (comme Elie Lellouche et Jehan Bertran de Balanda, Richard Chotard, Bruno Jolivet , Mathieu Boutin … entre autres) qui m’ont fait confiance … et bien sur les chevaux. … Particulièrement MARBEL GARDEN (5ème de mon 1er Grand Steeple, j’étais encore apprenti), FUSTRIEN DU PAON (départ de la GOLD CUP à Cheltenham) OLGA D’ARTHEL (7 gagnants) et ESPLENDIDO (4 gagnants d’affilé)

Je remercie également sincèrement l’Association des Jockeys pour toute l’aide et le réconfort apportés lors des accidents, tout particulièrement Maria Manuela Magalhaes, François Duforez, le médecin conseil, et Thierry Gillet. »

Bonne route Antho 🤩

🖌 Propos recueillis par Carole Desmetz Consulting
📸 Passioncourseshippiq - Merci Frédéric