Mardi 12 Avril 2011
elise-chayrigues

Fille d’un jockey, devenu entraîneur, et d’une cavalière, dont le père était propriétaire, tout la destinait à franchir le pas, à son tour. Pourtant, les courses l’intéressaient moins que le concours hippique, où elle a évolué jusqu’à 16 ans. Pourtant, à 31 ans et jeune maman d’une petite Hélèna, 14 mois, elle a remporté, ce lundi 11 avril à Enghien, son premier quinté, pour son deuxième essai du genre, et qui plus est en steeple-chase. Elise Chayrigues signait là son 9ème succès 2011, avec un doublé PMU, le 27 février, à Angers…

Le virus vous a atteint toute petite, non ?

Le virus du cheval, oui. Celui des courses, non. Les courses, j’en ai été « gavée », tous les week-ends, on embarquait dans la voiture pour aller à droite ou à gauche, souvent loin. Le concours m’attirait davantage.

Pourquoi avoir arrêté ?

Je devais avoir 16 ans, j’allais à l’école, et mon père m’a dit que le concours, ça coûtait cher, et que ça ne rapportait rien. Il m’a conseillé de devenir cavalière.

Vous l’avez donc écouté…

Oui. Et je dois dire que si je n’étais pas emballée, au départ, la passion est venue au fil des courses… Je n’ai pas connu une grosse réussite, je ne sais même pas si j’ai atteint les 10 victoires.

Et vous avez désiré passer professionnelle…

Non. Fin 2004, le Club des Gentlemen Riders et des Cavalières a décidé de ne pas renouveler ma licence, pour 2005, pour des raisons qui m’échappent encore. Peut-être parce que je ne travaillais  pas…

Vous n’aviez pas d’emploi ?

J’ai toujours voulu assurer mes arrières, j’ai obtenu un BEP de comptabilité et un Bac « pro » « commerce ».  Nous habitions au bord de l’océan, à Saint-Jean-de-Monts et, toutes les saisons, des commerces variés m’employaient. Des petits boulots, dont un,  constant, dans une maison de la presse. A vrai dire, cette décision du Club demeure obscure, pour moi.

Alors ?

Alors, mon père m’a embauchée, comme cavalière. C’était exactement la même chose, pour moi, sauf que je percevais un salaire. Je suis restée à la maison en 2005 et 2006, puis mon père, André, m’a conseillé de voir autre chose. J’ai appelé Laurent Viel, un ami, qui m’a dit de venir chez lui, à Senonnes, pour l’hiver. Je ne pensais pas du tout à la compétition, mais lui m’a mise en selle et, en 3 mois, j’ai gagné 7 épreuves en plat. Du coup, je ne suis pas repartie et, en 2008, j’ai décroché la Cravache d’Or de l’Ouest, pour les femmes, avec 18 succès, plat et obstacle confondus.

2008 a donc été une bonne année…

Oui. La fin l’a été moins. Laurent m’avait envoyée à Cagnes-sur-Mer, où je ne me suis pas sentie vraiment bien, tout un ensemble ne me plaisait pas, mon ami, Joffret Huet, devait se faire opérer d’un genou, son père était malade, bref, un concours de circonstances… J’ai fini par « péter un plomb », tout en restant en très bons termes avec Laurent, et j’ai décidé de faire un break.

Un break, ou arrêter ?

Ce n’était pas défini. Je, ou plutôt nous, avec Geoffrey, n’avions pas établi de planning. Je ne savais pas vraiment. Cette pause a duré deux mois, et le regretté Claude Rouget, le père de Jean-Claude, m’avait alors proposé un CDD de 3 mois, que j’ai accepté. A l’issue de cette période, je suis tombée enceinte. J’avais tout de même enregistré 5 lauréats, cette année-là.

Depuis ?

Je suis retournée chez Laurent Viel, le 1er juillet2010.

Et le bébé ?

Elle est née en février 2010. Super. Durant toute ma grossesse, moi qui suis très casanière, j’étais vraiment heureuse, je pouvais cuisiner, la maison était toujours « clean ». Et, depuis qu’Elèna est là, ma vie a changé…

Comment cela ?

Maman, c’est un métier, un vrai. Je passe le plus de temps possible avec elle, mais, au niveau professionnel, tant que cela marche, on ne va pas « cracher dessus ». Joffret, qui a été victime d’un grave accident, il s’est cassé le bras et le fémur, à Cholet, avait repris le boulot, chez Joël Boisnard, trois mois après. Mais il a dû subir une nouvelle opération, pour que les médecins lui retirent les broches dont il avait été muni, et il n’est retourné à l’écurie qu’hier, lundi 11 avril. Apparemment, sa carrière de jockey est bien compromise…

Que va-t-il faire ?

Pour l’instant, il entend rester au service de Joël. On verra avec le temps…

L’Association des Jockeys ?

Formidable. Elle gère tout. Dès que nous avions un souci, pour des « papiers », ils s’occupaient de nos problèmes. Ils nous ont même avancé de l’argent, quand il y avait des retards dans les paiements. Non, c’est « top ».

Et vous, vous êtes vous blessée ?

Je n’aime pas dire ça  - je croise les doigts et touche du bois -, mais très rarement. Je me suis luxé une clavicule, m’en suis fracturé une autre… Pas grand-chose.

Avez-vous peur ?

Comme nous tous, mais elle n’évite pas le danger et, quand on y est, on y est ! Le départ est donné et on ne pense plus à rien, si ce n’est au poteau.

Comment vous organisez-vous ?

Le matin, quand Joffret et moi travaillons, je confie la petite à une nourrice et, si nous devons nous déplacer le week-end, je la dépose chez ma mère. Vrai que la route est pénible. A l’issue du quinté, lundi, quand on dit que le chemin du retour est moins long après une victoire, il nous a fallu tout de même 4 heures en camion…

L’avez-vous fêté, ce quinté ?

Ce sera ce mardi soir, dans notre petit jardin. Un apéritif dînatoire, quelques bouteilles de champagne, des toasts… Ce devrait être sympa…

Beaucoup d’invités ?

Des amis et amies d’enfance, de vrais bons copains jockeys ou du métier, mais il faut savoir « sélectionner », comme dans toutes les professions…

Joffret n’est pas « jaloux » ?

Non, il est super content pour moi. Les rôles s’étaient un peu inversés, si l’on veut, ces derniers temps : moi j’étais à cheval, et lui il poussait la… poussette et promenait le chien ! Mais je crois qu’il est heureux.

D’autres centres d’intérêt ?

Beaucoup, mais je n’ai, encore davantage maintenant, plus le temps de rien.

Des projets ?

Quand nous nous sommes rencontrés, avec Joffret, nous avions chacun notre petite maison. Pour des raisons pratiques, nous habitons dans la mienne, mais nous allons mettre en vente les deux et en faire construire une… pour 3 ! Nous cherchons un terrain, nous allons en voir, nous nous renseignons auprès d’architectes ou de constructeurs… C’est très plaisant mais… prenant. Comme le boulot… A tous les niveaux, il faut savoir ce que l’on veut…

Elle le sait.